Lyon, ville au riche passé historique et culturel, abrite de nombreuses statues et monuments rendant hommage aux grandes figures qui ont marqué son histoire. Toutefois, si certaines statues célèbrent des personnalités emblématiques locales, la représentation de la diversité culturelle et des figures issues des minorités reste encore limitée.
La Société d’Embellissement de Lyon (SEL), revue spécialisée dans l’histoire et le patrimoine lyonnais, vient de publier un numéro intitulé « Statues cherchent place en ville ». Cette publication s’inscrit dans une réflexion plus large sur l’évolution du paysage statuaire de Lyon et la manière dont les monuments reflètent – ou non – la diversité et l’histoire de la ville. Elle offre une lecture incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire et à l’évolution du patrimoine lyonnais.
Un état des lieux des statues à Lyon
Dans ce numéro, la revue SEL revient sur les grandes figures honorées par des statues à Lyon, mais aussi sur celles qui manquent encore à l’appel. À travers une série d’articles, les auteurs explorent des questions essentielles :
- Qui décide de l’érection d’une statue ?
- Quels critères président au choix des figures honorées ?
- Comment faire place à de nouvelles représentations sans effacer le passé ?
Les contributions de chercheurs, historiens et urbanistes permettent ainsi de mieux comprendre les dynamiques du patrimoine urbain et les enjeux liés à la mémoire collective.
Les statues emblématiques de Lyon
Parmi les statues les plus connues de Lyon, certaines dominent des lieux emblématiques :
- Louis XIV sur la place Bellecour, œuvre de François-Frédéric Lemot, figure incontournable de la monarchie française.
- Antoine de Saint-Exupéry et Le Petit Prince, sur la place Bellecour, rappelant l’attachement de la ville à l’écrivain et aviateur.
- Joseph-Marie Jacquard, place de la Croix-Rousse, en hommage à l’inventeur du métier à tisser révolutionnaire.
- André-Marie Ampère, place Ampère, honorant le physicien et mathématicien lyonnais.
- Les frères Lumière, devant l’Institut Lumière, témoignant de l’héritage cinématographique de Lyon.
- Jean Moulin, au parc de la Tête d’Or, rendant hommage au résistant et préfet de la République.
Cependant, ces statues représentent une vision assez classique et partielle de l’histoire lyonnaise, laissant de côté de nombreuses figures marquantes, en particulier celles issues des minorités et des cultures locales.
La diversité culturelle et les statues à Lyon
Lyon, ville cosmopolite, a été marquée par de nombreuses figures issues de divers horizons. Pourtant, peu de statues mettent en lumière la richesse de cette diversité. Il serait pertinent d’honorer des personnalités ayant contribué au rayonnement de la ville tout en incarnant cette pluralité culturelle.
Voici quelques figures qui mériteraient une statue à Lyon :
1. Azouz Begag, l’écrivain du « Gone du Chaâba »
Azouz Begag, écrivain et ancien ministre, est une figure emblématique de l’enfance immigrée à Lyon. Son roman Le Gone du Chaâba décrit avec justesse la vie dans un bidonville de la banlieue lyonnaise. Son engagement pour l’égalité des chances et la diversité mériterait d’être honoré par une statue dans la ville qui l’a vu grandir.
2. Ahmed Cherchari, le kabyle guillotiné à Lyon
Peu de gens connaissent l’histoire de Ahmed Cherchari d’origine kabyle qui avait émigré en 1953 à Lyon et qui s’était activement engagé dans le mouvement indépendantiste algérien. Ahmed Cherchari a été guillotiné le 23 février 1960 à la prison de Montluc à Lyon, un lieu où de nombreux militants kabyles et algériens furent détenus pendant la guerre d’Algérie.
L’artiste Ernest Pignon-Ernest a réalisé en 2012 un collage représentant Ahmed Cherchari, installé sur une porte de la prison Saint-Paul désaffectée à Lyon. Cette œuvre vise à rappeler la présence de prisonniers politiques, notamment des militants algériens, dans les prisons lyonnaises au cours du XXᵉ siècle. Lire l’article sur Kabyle.com .
3. Le commerce et la mémoire arménienne : Krikor et Garabed Bahadourian
Lyon doit beaucoup à ses commerçants et entrepreneurs issus de l’immigration, notamment les familles arméniennes arrivées après le génocide de 1915. Krikor et Garabed Bahadourian, fondateurs de la célèbre épicerie Bahadourian, ont marqué le paysage gastronomique lyonnais en introduisant des produits du monde entier. Une statue en leur honneur dans le quartier de la Guillotière serait un beau symbole de l’apport des diasporas à Lyon.
Les rails de la mémoire
Le 26 janvier 2025, à l’occasion des 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, la ville de Lyon a inauguré un nouveau mémorial de la Shoah sur la place Carnot, située dans le 2ᵉ arrondissement.
L’édification et le choix de l’emplacement du mémorial, à proximité de la gare de Lyon-Perrache, est hautement symbolique. C’est de cette gare que de nombreux convois de déportés sont partis vers les camps de concentration et d’extermination. Notamment, le convoi n°14.166 en août 1944 est tristement célèbre pour être le dernier et le seul à être parti directement de Lyon vers Auschwitz-Birkenau. La Ville de Lyon a contribué financièrement à l’édification de ce mémorial, investissant 263 000 euros dans le projet. Ce lieu de mémoire s’intègre dans un « jardin des mémoires » aux côtés de la stèle des enfants d’Izieu et de la borne de Verdun, faisant de la place Carnot un espace dédié au souvenir et à la transmission de l’histoire.
Ces statues et monuments ne sont pas seulement des éléments de mémoire, ils jouent aussi un rôle fondamental dans la transmission des valeurs et de l’histoire commune.
En mettant en lumière des figures oubliées, en racontant les pages sombres et glorieuses de l’histoire de Lyon et de la France, ces statues permettent à tous les citoyens, y compris les enfants issus de l’immigration, de s’approprier leur héritage local.
Elles les aident à comprendre que leur place dans la société est légitime et ancrée dans une histoire plus vaste, où les combats pour la liberté, la justice et l’égalité ont été menés par des hommes et des femmes de toutes origines.
En intégrant ces figures dans la mémoire collective et en les rendant visibles dans l’espace public, ces statues et mémoriaux peuvent inspirer la fierté, l’appartenance et l’engagement citoyen des nouvelles générations, quelles que soient leurs origines.

Les figures du patrimoine arpitan et lyonnais à honorer
En plus des figures issues de la diversité contemporaine, il serait intéressant de rendre hommage à des personnalités marquantes du patrimoine régional et arpitan :
1. Louise Labé, la poétesse lyonnaise de la Renaissance
Figure incontournable de la littérature lyonnaise, Louise Labé est une femme de lettres qui a marqué la Renaissance par son audace et sa modernité. Pourtant, elle ne possède aucune statue dans sa ville natale. Un hommage à cette grande poétesse féministe serait un ajout essentiel au patrimoine statuaire lyonnais.
2. Fernand Pouillon, architecte du renouveau lyonnais
Architecte visionnaire, Fernand Pouillon a marqué l’urbanisme français, notamment à Lyon, où ses projets ont transformé le paysage. Son engagement pour une architecture fonctionnelle et humaine pourrait être salué par une statue dans un des quartiers qu’il a réaménagés.
3. Claude Bourgelat, fondateur de la première école vétérinaire du monde à Lyon
L’ajout de nouvelles statues à Lyon pourrait refléter une vision plus inclusive de son histoire, en mettant en lumière des personnalités issues de divers horizons mais ayant contribué à l’histoire et au rayonnement de la ville. En parallèle, la mise en valeur du patrimoine arpitan et lyonnais permettrait de reconnecter la ville avec son identité régionale.
4. Marguerite d’Oingt la première romancière de langues arpitane et française
Femme de lettres et mystique, elle écrit plusieurs œuvres en franco-provençal (ou arpitan) et en latin, notamment le Livre de vie, où elle consigne ses visions spirituelles et ses réflexions religieuses.
Pourquoi ne pas imaginer, par exemple, une statue de Claude Bourgelat sur les quais du Rhône, une sculpture de Louise Labé à Bellecour, ou un hommage à Marc-Vivien Foé devant le Groupama Stadium ?
En diversifiant les figures mises à l’honneur, Lyon pourrait affirmer encore davantage son identité en tant que ville cosmopolite, ouverte et fière de son histoire locale.
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